Auteur : Fabrice Delaye

préface du Pr Patrick Aebischer

Editions Odile Jacob

www.odilejacob.fr

Octobre 2021

206 pages

Tarif indicatif de 19,90 €

 

L’ARN messager est la molécule intermédiaire qui permet de traduire l’ADN en protéines. Il a d’abord été découvert dans les bactéries en 1960 par François Jacob, Jacques Monod et Sydney Brenner. Depuis lors, l’utilisation de l’ARN messager à des fins préventives ou thérapeutiques a suivi une histoire chaotique, avec des accélérations et des arrêts, qui va aboutir finalement aux succès éclatants des vaccins ARN messager contre la pandémie de Covid-19.

C’est cette histoire que raconte le livre de Fabrice Delaye, journaliste en Suisse travaillant pour Heidi.news, une extraordinaire aventure scienti-fique, technologique et industrielle, qui a permis, souvent contre vents et marées, de multiples utilisa-tions de l’ARN messager en thérapeutique humaine. Cette molécule synthétisée à partir de l’ADN des cellules est très rapidement détruite dans les tissus par les enzymes cellulaires. Elle pénètre difficile-ment dans les cellules du fait de sa charge électrique négative, qui prévient sa pénétration dans les cellules eucaryotes dont les membranes sont également chargées négativement. Ces deux propriétés vont être l’objet de très nombreux travaux et brevets qui aboutiront en 2020 à la mise au point des vaccins ARN messager très efficaces contre la Covid-19.

L’article fondateur remonte à 1989 quand Robert Malone publie dans les PNAS la première démons-tration que l’ARN messager « exogène » permet d'exprimer des protéines par des cultures cellulaires. Des liposomes chargés d’ARN étaient utilisés comme vecteurs pour pénétrer les cellules. Le dépôt d’un brevet va se heurter au scepticisme de la commu-nauté scientifique à cause de la grande fragilité de ces molécules et à celle des financiers qui n’entre-voyaient pas de perspectives industrielles. À l’époque, on n’avait foi que dans l’ADN, beaucoup plus stable que l’ARN, et qui permettait d’envisager des thérapies géniques qui à l’époque étaient le dogme dominant pour traiter des maladies, notam-ment héréditaires. L’étape suivante a été de montrer que l’ARN nu, injecté dans le muscle d’un animal, est exprimé sous forme de protéines, expériences publiées dans Science en 1990. En 1993, la France avait toutes les cartes en main pour développer le premier vaccin ARN messager. À l’hôpital Cochin, Pierre Meulien et Frédéric Martinon produisent des ARN messager encapsulés dans des liposomes codant pour les protéines du virus de la grippe. Injectées à des souris, ces molécules déclenchent de fortes réponses immunitaires, ce qui est la première démonstration publiée en 1993 qu’un vaccin ARN messager marche in vivo chez l’animal. Cette décou-verte s’est heurtée à l’incrédulité des financiers qui ne croyaient pas en l’avenir industriel de ce type de vaccins.

Dans les années 1990, la Hongroise Katalin Kariko travaillant aux États-Unis devient convaincue que des thérapies basées sur l’ARN messager sont possibles. Cette biochimiste est bien la seule à l’époque et elle a beaucoup de difficultés à trouver un emploi stable et des financements. Elle s’acharne à améliorer la synthèse de l’ARN messager et commence une colla-boration en 1998 avec l’Américain Drew Weissman, un des rares qui partage ses idées. Elle cherche à parfaire la stabilité de l’ARN messager en modifiant sa séquence et découvre l’importance de la pseudo-uridine dans la constitution de l’ARN messager qui lui donne une cape d’invisibilité vis-à-vis des RNAses cellulaires. Cette découverte s’est avérée majeure pour la mise au point des vaccins ARN messager. Elle publie avec Weissman en 2005 ses principaux résul-tats dans le prestigieux journal Immunity, une publi- cation qui restera confidentielle à l’époque, mais qui sera brevetée par l’Université de Pennsylvanie qui lui a refusé, par ailleurs, la titularisation comme profes-seur du fait de l’insuffisance de ses publications.

Fabrice Delaye relate ensuite l’histoire des start-up allemandes CureVac et BioN-Tech. Il rappelle que la première injection d’ARN messager synthétisé in vitro à un être humain (un chercheur) date de 2003. Les vaccins ARN messager ont d’abord été conçus pour la recherche de nouvelles thérapeu-tiques anticancéreuses. Aux États-Unis, la start-up Moderna est créée en 2010 et recrute son directeur, le Français Stéphane Bancel. Cela va aboutir à la course aux vaccins ARN messager et laisser sur place les Big Pharma spécialisés en vaccination qui portent le poids épistémologique de leur culture vaccinale et qui ne croyaient pas en ces types de vaccin. Les vaccins ARN de BioNTech et Moderna contre le SARS-CoV2 ont été mis au point en 10 mois, dès la fin de l’année 2020 ! Un court délai qui a paru suspect à ceux qui ne connaissent pas la longue histoire des vaccins ARN. Cela a épargné des millions de vies humaines.

Ce livre résume l’histoire des principales décou-vertes sur l’ARN messager et ses vecteurs lipidiques. Nous sommes à l’orée d’une nouvelle révolution thérapeutique dans tous les domaines des patholo-gies, maladies héréditaires, maladies infectieuses, cancers, maladies cardiovasculaires, maladies inflam-matoires… que nous verrons dans la prochaine décennie. 

PB