par Pascale Cossart

Édition Odile Jacob

www.odilejacob.fr

2025

176 pages

Tarif indicatif de 22,90 €

 

Pour le grand public, le mot virus est synonyme de danger imminent et de maladies contagieuses épi-démiques comme la Covid-19. Un des mérites du livre écrit par Pascale Cossart, membre de l’Acadé-mie des sciences et professeur à l’Institut Pasteur, est d’abord de réhabiliter les virus. On découvre avec elle le monde vivant de la biosphère grouillant de virus. Quand vous vous baignez sur une plage, imagi-nez-vous qu’un millilitre d’eau de mer peut contenir 50 millions de bactériophages, des virus détruisant les bactéries mais inoffensifs pour nous. Dans notre intestin, notre microbiome (nos selles !) porterait 13 000 espèces de virus dont la grande majorité sont des bactériophages !

L’étude des bactériophages a permis de nombreuses découvertes majeures à l’origine d’une pluie de prix Nobel. Tout d’abord, il existe des bactériophages « tempérés » qui s’insèrent dans les chromosomes bactériens, modifiant ainsi le génome des bactéries parasitées. C’est ce qu’on appelle la lysogénie. N’a-t-on pas dit que les bactéries étaient lamarkiennes ! Ceci est vrai chez l’Homme. Par exemple, on sait que les rétrovirus peuvent s’insérer dans le génome humain. Parmi les autres découvertes majeures, on peut citer les systèmes de défense des bactéries contre les bactériophages. Les premiers sont les systèmes de restriction-modification qui ont permis de mettre au jour les enzymes, des nucléases, qui vont être à l’origine de l’essor des technologies de biologie moléculaire. Puis viendra la découverte du système CRISP qui permet des manipulations géné-tiques très précises.

Un autre apport important de l’ouvrage de Pas-cale Cossart est de faire le point sur l’utilisation des bactériophages pour lutter contre les bactéries multirésistantes qui actuellement posent d’énormes problèmes thérapeutiques. Elle fait le bilan de ce grave problème sanitaire qui touche le monde entier. La phagothérapie, c’est-à-dire le traitement des infections bactériennes par les bactériophages, pourrait être une alternative thérapeutique inté-ressante, non sans écueils. Les phages ont été découverts par le pastorien Félix d’Hérelle en 1917. Celui-ci a ensuite promu cette thérapeutique alors que les antibiotiques n’existaient pas. Pendant une vingtaine d’années, de nombreux essais ont été ten-tés, avec des résultats variables et inconstants, des échecs et des succès retentissants. La découverte des sulfamides et surtout de la pénicilline dans les années 1940, a fait abandonner cette voie de recherche, sauf dans quelques centres en Géorgie et en Pologne, où l’on produit depuis des décennies des bactériophages dans un but thérapeutique. Face au très sérieux problème de l’antibiorésistance, une pandémie silencieuse faisant de nombreuses vic-times, un fort regain d’intérêt pour la phagothérapie s’est manisfesté à partir de 2017, un siècle après la découverte des phages. Pascale Cossart nous explique le déploiement de cette recherche, ses espoirs et ses difficultés. Il y a d’abord des essais compassionnels qui peuvent donner des résultats spectaculaires sur des infections chroniques, par exemple des infections ostéoarticulaires invali-dantes évoluant depuis des années. Mais les essais cliniques randomisés sont trop peu nombreux pour complétement convaincre. De plus, l’inoculation par différentes voies de bactériophages peut entraîner la production d’anticorps neutralisants. Enfin, il y a le coût et la lourdeur technique de la préparation des phages qui peuvent freiner son développement à grande échelle. Une voie intéressante de recherche est l’utilisation de bactériophages synthétiques conçus par intelligence artificielle.

Le livre de Pascale Cossart est d’abord une mise en garde sur la menace croissante de la résistance aux antibiotiques. L’auteure plaide en faveur de voies alternatives pour traiter les patients infectés par des bactéries multirésistantes, telles que la phagothéra-pie. Elle rappelle aussi qu’il est crucial de relancer la recherche pour découvrir de nouveaux antibiotiques, recherche délaissée par l’industrie pharmaceutique depuis quelques années.

 

Patrick Berche