par Frédéric Morinet *

 

Il faut rendre hommage à l’équipe de Rolf Martin Zinkernagel, prix Nobel de Médecine/Physiologie 1996, qui a passé sa vie à étudier la réponse immunitaire antivirale à l’aide des modèles d’infection par les virus de la chorioméningite lymphocytaire et de la stomatite vésiculeuse (1).

On peut ainsi classer les virus en deux catégories. D’une part, les virus cytopathogènes qui détruisent les cellules infectées tels que les virus de la grippe, de la poliomyélite, de la rage et possiblement le virus Ébola, et d’autre part, les virus non cytopathogènes qui induisent une réponse immunitaire détruisant les cellules infectées et parmi lesquels figurent les virus des hépatites B et C. Le virus VIH est certes cytopathogène in vitro, mais in vivo, les données sont difficiles à interpréter quant au fait qu’il soit ou non cytopathogène.

Dans le cas d’infections par des virus cytopathogènes, la synthèse d’anticorps neutralisants est prédominante, la production de lymphocytes T cytotoxiques (TCD8+) étant décalée dans le temps. À l’inverse, lors d’infections par des virus non cytopathogènes, c’est la réponse TCD8+ qui est initiée en premier, la synthèse d’anticorps neutralisants étant plus tardive. C’est ce qui se produit dans le cas de l’infection de l’adulte par le VIH ; l’apparition d’anticorps neutralisants polyréactifs n’est effective que deux à quatre ans après la primo-infection. Il convient de souligner que les anticorps détectés par ELISA permettent le diagnostic d’une primoinfection mais qu’ils ne sont pas neutralisants. Chez le nouveau-né infecté par le VIH, quelles que soient les modalités d’infection, la charge virale est élevée et la synthèse d’anticorps neutralisants polyréactifs est effective dès la première année suivant la contamination (2).

Faut-il faire une fixation sur la synthèse d’anticorps neutralisants ? En effet, des anticorps non neutralisants peuvent être efficaces pour combattre l’infection virale par leur fragment Fc et non seulement Fab’2, via la fixation du complément et la cytotoxicité à médiation cellulaire. On peut ainsi émettre l’hypothèse que la variabilité des réponses aux nombreux essais vaccinaux contre le VIH pourrait être reliée aux différents mécanismes mis en jeu lors de la réponse humorale.

Très récemment, l’équipe de Haynes (3) a rapporté qu’un vaccin recombinant déclenchant une synthèse d’anticorps non neutralisants et dénués de cytotoxicité à médiation cellulaire, reconnaissant principalement la protéine d’enveloppe gp41 du VIH, faisait intervenir un répertoire de lymphocytes B dirigés contre le microbiote intestinal. Dans la mesure où notre répertoire lymphocytaire B à la naissance est dirigé contre la flore intestinale, se pose alors l’idée d’une vaccination chez le nouveau-né par ce type de vaccin pour éduquer notre répertoire ? Ceci n’est pas sans rappeler la vaccination néonatale contre le virus de l’hépatite B, mais cette fois si la mère réplique activement ce virus (Hbe positive).

Références

(1) Hangartner L, Zinkernagel RM, Hengartner H. Antiviral antibody responses: the two extremes of a wide spectrum. Nat Rev Immunol 2006 ; 6 : 231-43.
(2) Goo L, Chohan V, Nduati R, Overbaugh J. Early development of broadly neutralizing antibodies in HIV-1-infected infants. Nat Med 2014 ; 20 : 655-8.
(3) Williams WB, Liao HX, Moody MA, Kepler TB, Alam SM, Gao F, et al. HIV-1 VACCINES. Diversion of HIV-1 vaccine-induced immunity by gp41-microbiota cross-reactive antibodies. Science 2015 ; 349 : aab1253-9.

* Hôpital Saint-Louis-Université Paris Diderot Paris 7.