par Frédéric Morinet *

 

En juillet 2013, j’avais écrit un écho de presse sur le système CRISPR/CAS, qui avait été publié dans les Feuillets de Biologie (1). Un bref rappel s’impose.

Lorsqu’une bactérie est infectée par un bactériophage, soit elle meurt, soit elle résiste à l’infection. En cas de résistance, elle garde une trace de l’envahisseur sous forme d’un fragment de son ADN, appelé spacer, au sein de son îlot CRISPR/CAS. Si elle est réinfectée par un bactériophage identique, le spacer est transcrit en ARN (on parle d’ARN guide) et celui-ci à l’aide d’une des protéines CAS, la protéine CAS9, va venir dégrader l’ADN phagique. Pour dégrader celui-ci, le complexe nucléoprotéique (ARN guide-protéine CAS9) crible l’ADN phagique à la recherche d’un motif PAM (protospacer adjacent motif). Ce motif, 5’ NGG3’ (N étant n’importe lequel nucléotide), est indispensable pour la destruction de l’ADN phagique, car c’est sur celui-ci que la protéine CAS9 se fixe, cette stabilisation lui permettant d’effectuer son activité de coupure après hybridation de l’ARN guide avec l’ADN phagique. Ce motif PAM n’est pas présent sur l’ADN bactérien, évitant ainsi un processus d’auto-immunité (2, 3).

Cette stratégie est utilisée depuis peu de temps par les biologistes moléculaires pour créer des mutations ou des délétions dans le génome ; on parle de système CRISPR/CAS9. D’autres stratégies sont utilisées pour créer des mutations, notamment des nucléases « à doigt de zinc », mais elles posent le problème de la reconnaissance de l’ADN cible (4, 5). Le système CRISPR/CAS9 associe donc un ARN guide complémentaire de la séquence recherchée et la protéine CAS9. La protéine CAS9 induit des coupures d’ADN double brin, ce qui conduit à deux situations possibles : (a) une recombinaison illégitime (Non-homologous end joining, NHEJ), source d’insertion et de délétion génétique ; (b) une recombinaison homologue avec l’apport d’un court fragment d’ADN homologue, (Homology direct repair, HDR). On ne sait pas exactement ce qui fait que la cellule évolue vers l’une ou l’autre éventualité.

À mon sens, deux applications sont possibles dans deux pathologies : les hémoglobinopathies et les infections virales. La synthèse d’hémoglobine fœtale constitue un moyen de traitement de la β-thalassémie et de la drépanocytose mais malheureusement, elle est réprimée par la protéine BCL11A : introduire une mutation dans le gène correspondant par le complexe nucléoprotéique CRISP/CAS9 apporté par un vecteur lentiviral (vecteur dérivé du virus du SIDA) constitue une approche séduisante (6). Créer des mutations létales dans les formes superenroulées de l’ADN du virus de l’hépatite B ou le génome intégré du virus du SIDA, voire dans ce dernier cas l’exciser, est également très attractif (7, 8).

Références

(1) Morinet F. L’immunité bactérienne mise en défaut par les bactériophages. Feuillets de Biologie 2013 ; 313 : 53.
(2) Horvath P, Barrangou R. CRISPR/Cas, the immune system of bacteria and archaea. Science 2010 ; 327 (5962) : 167-70.
(3) Mali P, Esvelt KM, Church GM. Cas9 as a versatile tool for engineering biology. Nat Methods 2013 ; 10 (10) : 957-63.
(4) Tsai SQ, Joung JK. What's changed with genome editing? Cell Stem Cell 2014 ; 15 (1) : 3-4.
(5) van der Oost J. Molecular biology. New tool for genome surgery. Science 2013 ; 339 (6121) : 768-70.
(6) Canver MC, Orkin SH. Customizing the genome as therapy for the b-hemoglobinopathies. Blood 2016 ; 127 (21) : 2536-45.
(7) Kennedy EM, Cullen BR. Gene editing: a new tool for viral disease. Annu Rev Med 2016. (Epub ahead of print).
(8) Kaminski R, Bella R, Yin C, Otte J, Ferrante P, Gendelman HE, et al. Excision of HIV-1 DNA by gene editing: a proofof-concept in vivo study. Gene Ther 2016 ; 23 (8-9) : 690-5.

* Hôpital Saint-Louis-Université Denis Diderot Paris 7.