par Frédéric Morinet *

 

Il est maintenant bien admis que le rétrovirus VIH-1, agent du SIDA, a pour récepteur au moins la molécule CD4 et pour co-récepteurs les molécules CCR-5 et CXCR-4, ces derniers étant des protéines à sept domaines transmembranaires couplées aux protéines G dont les ligands sont des chimiokines.

Lors d’une primo-infection, il existe bien sûr trois types de populations virales VIH-1 : celles interagissant avec le co-récepteur CCR5 à tropisme macrophagique, d’autres avec CXCR4 exprimés sur les lymphocytes TCD4+, et enfin celles mixtes, interagissant avec les deux co-récepteurs. La population reconnaissant CCR5 étant majoritaire lors d’une primo-infection, la mise au point d’une molécule interagissant avec ce corécepteur, et donc empêchant son interaction avec la glycoprotéine d’enveloppe gp120 du VIH-1(1), a été entreprise par la firme Pfizer. L’utilisation de cette molécule, le maraviroc (Selzentry®), s’est avérée décevante compte tenu de la pluralité des populations virales. Dans le cadre de l’infection à VIH-1, ce médicament reste néanmoins administré dans des situations particulières, comme lors de troubles neurocognitifs dûs à une réplication virale dans le système nerveux central (dont les cellules expriment CCR5) ou encore dans des situations d’échecs virologiques complexes.

Un article paru très récemment (11 avril 2016) dans Cancer Cell propose une nouvelle indication du maraviroc, mais cette fois en cancérologie et plus précisément dans le traitement des métastases hépatiques du cancer colorectal (2). Au sein de ces métastases, il existe une population lymphocytaire TCD4+ et TCD8+, et macrophagique. Les lymphocytes sécrètent une chimiokine, CCL5 (encore appelée RANTES), qui interagit avec la molécule CCR5 présente sur les macrophages au sein des métastases, leur procurant un effet pro-tumoral. L’utilisation du maraviroc in vitro inhibe l’axe CCL-5/CCR5 et a pour effet de polariser les macrophages vers un profil anti-tumoral. Un essai de phase I a été entrepris chez cinq patients ayant un cancer colorectal en situation métastatique, auxquels a été administré du maraviroc (300 mg x 2/jour) en complément d’une chimiothérapie ad hoc. La régression des métastases hépatiques, au cours du temps, a été évaluée par imagerie et par biopsie hépatique itérative. Une régression partielle a été observée chez trois des cinq patients, une stabilisation chez un malade et pour le cinquième, les données n’ont pas été exploitables. Fait important, aucun effet secondaire majeur n’a été observé chez les patients traités par le maraviroc.

À mon sens, cette approche d’immunothérapie du cancer s’inscrit bien dans le cadre des démarches actuelles, avec un succès sans précédent dans l’utilisation des anticorps anti-CTLA-4 (ipilimumab ou Yervoy® (Bristol-Myers Squibb)) et anti-PD-1 (nivolumab ou Opdivo® (Bristol-Myers Squibb)), (pembrolizumab ou MK-3475 (Merck)) dans le traitement du mélanome métastatique, voire en première ligne.

 

Références

(1) Dorr P, Westby M, Dobbs S, Griffin P, Irvine B, Macartney M, et al. Maraviroc (UK-427,857), a potent, orally bioavailable, and selective small-molecule inhibitor of chemokine receptor CCR5 with broad-spectrum anti-human immunodeficiency virus type 1 activity. Antimicrob Agents Chemother 2005 ; 49 (11) : 4721-32.
(2) Halama N, Zoernig I, Berthel A, Kahlert C, Klupp F, Suarez-Carmona M, et al. Tumoral immune cell exploitation in colorectal cancer metastases can be targeted effectively by anti-CCR5 therapy in cancer patients. Cancer Cell 2016 ; 29 (4) : 587-601.

* Hôpital Saint-Louis-Université Denis Diderot Paris 7.