par Frédéric Morinet *

 

L’infection humaine à virus respiratoire syncytial (VRS) est responsable de deux entités cliniques : la bronchiolite hivernale du nourrisson et la pneumopathie interstitielle du sujet immunodéprimé, notamment en cas de greffe de cellules souches. Le diagnostic est aisé, par recherche directe des antigènes viraux ou PCR à partir des sécrétions respiratoires ou du lavage broncho-alvéolaire. Le VRS humain est classé en deux groupes A et B, le groupe A étant le plus prévalent.

Le VRS est un virus à ARN enveloppé qui comporte deux glycoprotéines (gp) formant les spicules : la gpG, protéine d’attachement, et la gpF, protéine de fusion. La gpF est conservée entre les groupes A et B, et représente donc une cible de choix pour la chimiothérapie antivirale. Une première approche a fait appel à un anticorps anti-gpF monoclonal murin humanisé, le palivizumab (Synagis) ; utilisé en prophylaxie, cet anticorps s’est avéré décevant pour un coût très élevé. Une autre approche concerne l’utilisation d’un inhibiteur d’entrée dont le squelette est une pyrimidine pyrazolée : le GS-5806. Cette molécule est active in vitro aussi bien sur des isolats cliniques de VRS A que de VRS B, à une concentration inhibitrice 50 (CI50) de 0,43 nM. Elle est administrée par voie orale.

L’étude rapportée ici a consisté à infecter des volontaires sains âgés de 18 à 45 ans par voie nasale avec la souche VRS Memphis 37b à une dose de 10 000 particules virales par sujet (1). La « prise » du virus était évaluée par RT-PCR dans les sécrétions nasopharyngées. Cent quarante volontaires ont été trouvés positifs à J5 post-infection et ont été répartis en 7 cohortes à l’intérieur desquelles les sujets recevaient par voie orale, soit du GS-5806 (n total = 87), soit un placebo (n total = 53), selon le schéma suivant : i) cohortes 1-4 : 50 mg le premier jour puis 25 mg/jour pendant 4 jours ; ii) cohorte 5 : 50 mg le premier jour puis 25 mg/jour pendant 2 jours ; iii) cohorte 6 : 100 mg un seul jour ; iv) cohorte 7 : 10 mg le premier jour puis 5 mg/jour pendant 4 jours. L’étude de la réplication virale, et donc de la charge virale, a été effectuée jusqu’à J12. Une diminution d’au moins 4 log10 de la charge virale a été observée pour les cohortes 1 à 4 entre les sujets traités par le GS-5806 et ceux ayant reçu le placebo. Des résultats identiques ont été retrouvés avec les cohortes 5, 6 et 7, où les doses étaient plus basses et administrées moins longtemps. Fait intéressant, les données pharmacocinétiques montrent que la demi-vie plasmatique du GS-5806 est de 33 à 35 heures et que sa concentration minimale (Cmin) est 4 à 5 fois supérieure à la CI50 de la souche virale.

Ces données suggèrent que la molécule GS-5806 pourrait constituer une alternative particulièrement intéressante face à la ribavirine, qui est tératogène et dont l’utilisation est délicate à la fois pour le patient adulte immunodéprimé et pour le corps soignant lors de son administration par aérosol face à une bronchiolite du nourrisson. Deux problèmes restent cependant en suspens : le prix du GS-5806 et l’apparition de mutants résistants, lot inexorable de la réplication virale (2).

Références

(1) De Vincenzo JP, Whitley RJ, Mackman RL, Scaglioni-Weinlich C, Harrison L, Farrell E, McBride S, Lambkin-Williams R, Jordan R, Xin Y, Ramanathan S, O'Riordan T, Lewis SA, Li X, Toback SL, Lin SL, Chien JW. Oral GS-5806 activity in a respiratory syncytial virus challenge study. N Engl J Med 2014 ; 371 (8) : 711-22.

(2) Yan D, Lee S, Thakkar VD, Luo M, Moore ML, Plemper RK. Cross-resistance mechanism of respiratory syncytial virus against structurally diverse entry inhibitors. Proc Natl Acad Sci USA 2014 ; 111 (33) : E3441-9.

* Hôpital Saint-Louis-Université Denis Diderot Paris 7.