par Frédéric Morinet *

 

Les norovirus représentent la première cause de gastroentérites virales à travers le monde et sont la principale cause de toxi-infections alimentaires d’origine virale en Europe et aux États-Unis. Ces petits virus de 34 nm de diamètre ont un génome à ARN et sont classés en cinq génogroupes distincts (GI-GV), qui comportent chacun plusieurs génotypes. Le génotype GII.4 est responsable à lui seul de 90 % des infections humaines.

Les norovirus ont comme facteurs d’attachement les antigènes tissulaires des groupes sanguins, les glycanes A, B, H, et Lewis. L’association entre le polymorphisme des groupes sanguins et une maladie avait été établie dès les années 50 : il s’agissait du groupe O et la survenue d’ulcère peptique d’une part, et d’autre part, de la susceptibilité à l’infection palustre. L’adhésion de Helicobacter pylori à la paroi gastrique se fait également via les groupes sanguins.

Les antigènes tissulaires des groupes sanguins sont exprimés sur les érythrocytes, à la surface des cellules épithéliales, et sont secrétés dans la salive et le lait. L’expression de ces antigènes à la surface des épithéliums est sous la dépendance d’une fucosyltransférase codée par le gène FUT2. Environ 20 % des sujets – dits non sécréteurs – n’expriment pas la fucosyltransférase codée par FUT2. Ils sont donc a priori résistants à l’infection par les norovirus.

Dans une étude récente effectuée chez 109 patients portugais, Nathalie Ruvoën-Clouet et collaborateurs (1) viennent de démontrer que les choses n’étaient pas aussi simples en présence de H. pylori. En effet, en étudiant la concordance entre l’expression des antigènes tissulaires des groupes sanguins dans la salive et la paroi gastrique, ces auteurs se sont aperçus que des particules recombinantes de norovirus (génotype GII.4) s’attachaient aussi bien à la paroi gastrique de patients sécréteurs que non sécréteurs. Or, il s’est avéré que chez les patients non sécréteurs, l’infection par des souches de H. pylori exprimant le facteur de virulence CagA induisait l’expression de motifs fucosylés à la surface de la paroi gastrique malgré l’absence d’un allèle fonctionnel FUT2.

On savait que les épidémies de gastroentérites à norovirus favorisaient la transmission interhumaine de H. pylori. De son côté, cette bactérie pourrait rendre les sujets non sécréteurs d’antigènes de groupes sanguins susceptibles à l’infection par les norovirus via l’expression de motifs fucosylés impliquant CagA à la surface de la muqueuse gastrique. Traiter les infections à H. pylori permettrait donc également de contribuer à diminuer l’incidence des infections à norovirus !

Référence

(1) Ruvoën-Clouet N, Magalhaes A, Marcos-Silva L, Breiman A, Figueiredo C, David L, Le Pendu J. Increase in genogroup II.4 norovirus host spectrum by CagA-positive Helicobacter pylori infection. J Infect Dis 2014 ; 210 (2) : 183-91.

Pour en savoir plus :

Ruvoën N, Le Pendu J. Genetic susceptibility to norovirus infection. Pathol Biol (Paris) 2013 ; 61 (1) : 28-35.

* Hôpital Saint-Louis-Université Denis Diderot Paris 7.