par Frédéric Morinet*

Depuis la découverte de ce picornavirus en 1969, l’entérovirus 71 (EV71) a été associé à la survenue de cas de syndrome main-pied-bouche et à divers tableaux neurologiques (méningites aseptiques, encéphalites,...) chez des enfants d’âge inférieur à 5 ans. On distingue trois génogroupes d’EV71, basés sur la séquence de la protéine de capside VP1 : A, B et C. Dues principalement au génotype C4, les infections pédiatriques à EV71 représentent un problème croissant de santé publique en Chine : 1,8 million de cas et 905 décès ont ainsi été rapportés en 2010 contre un million de cas et 353 décès en 2009.

Dans le Lancet du 23 mars 2013, Zhu et collègues rapportent les résultats d’un essai de phase 2 utilisant une souche inactivée (tuée) d’EV71 de génotype C4 après passage sur cellules Vero (cellules de rein de singe). Trois formulations vaccinales associées à un adjuvant (hydroxyle d’aluminium, 0,18 mg) ont été testées : 160 unités (U), 320 U et 640 U. Une formulation à 640 U sans adjuvant ainsi qu’un placebo ont également été testés. Au total, ces cinq formulations ont été administrées à des enfants âgés de 6-11 mois et de 12-36 mois à raison de 120 enfants par groupe, soit 1 200 enfants au total. L’immunisation a été réalisée à J0 et J28 par injection intramusculaire dans la cuisse (groupe d’âge 6-11 mois) ou le deltoïde (12-36 mois). L’efficacité vaccinale a été étudiée par mesure de la moyenne géométrique du titre en anticorps neutralisants anti-EV71 au 28ème jour, au 56ème jour et 8 mois après la seconde injection.

Les participants ayant reçu les doses vaccinales ont eu des titres en anticorps anti-EV71 plus élevés que dans le groupe placebo ; les titres étaient plus faibles avec la formulation à 640 U sans adjuvant versus la même dose vaccinale avec adjuvant. Les titres en anticorps ont été plus élevés dans le groupe d’âge 12-36 mois versus 6-11 mois, reflétant peut-être une plus grande maturité du système immunitaire des enfants plus âgés. Indépendamment de la formulation vaccinale et du groupe d’âge concerné, le titre en anticorps s’effondre au huitième mois. Les principaux effets secondaires rapportés chez les sujets vaccinés ont été une fièvre et une diarrhée.

Compte tenu des larges épidémies à EV71 survenant dans les pays d’Asie, il n’est pas exclu que le vaccin testé par Zhu et ses collègues puisse être inclus dans le calendrier vaccinal pédiatrique de ces pays dans le futur. Plusieurs questions restent néanmoins ouvertes. La première question est celle de la réelle protection induite par les anticorps neutralisants mis en évidence dans cette étude - même si on peut être confiant sur la base de ce que l’on sait de la protection vaccinale vis-à-vis d’autres picornavirus comme les poliovirus. Deuxièmement, les vaccins ont été administrés à partir de l’âge de 6 mois pour les plus jeunes, ce qui laisse une fenêtre entre 0 et 6 mois où l’infection néonatale à EV71 est pourtant source d’un nombre important d’encéphalites et de myocardites. Troisièmement, la chute des anticorps au huitième mois sous-entend qu’une ou plusieurs injections de rappel vont s’avérer nécessaires selon des modalités qui restent à définir. Enfin, on ne sait pas s’il existe une protection croisée induite par ce vaccin vis-à-vis des autres génogroupes d’EV71.
Affaire à suivre…

Référence

- Zhu FC, Liang ZL, Li XL, Ge HM, Meng FY, Mao QY, Zhang YT, Hu YM, Zhang ZY, Li JX, Gao F, Chen QH, Zhu QY, Chu K, Wu X, Yao X, Guo HJ, Chen XQ, Liu P, Dong YY, Li FX, Shen XL, Wang JZ. Immunogenicity and safety of an enterovirus 71 vaccine in healthy Chinese children and infants: a randomised, double-blind, placebo-controlled phase 2 clinical trial. Lancet 2013 Mar 23 ; 381(9871) : 1037-45.

Pour en savoir plus

Leslie M. Solution to vaccine mystery starts to crystallize. Science 2013 Jul 5 ; 341(6141) : 26-7.

* Hôpital Saint-Louis-Université Denis Diderot